Toujours dans le spectre du développement durable, des besoins infinis confrontés à une planète aux ressources limitées, l'e-commerce induit-il des comportements de surconsommation ?

Aujourd'hui, l’internaute n’a plus besoin de se déplacer, pas de contraintes horaires et peut trouver à peu près tout ce qu’il veut en ligne. Chez soi ou dans le métro, smartphone en main, en train de passer le temps sur les réseaux sociaux ou à faire défiler les nouveaux articles Vinted, Shein, Wish, Aliexpress, Amazon, les promotions exceptionnelles, bons plans partagés par des influenceurs : tout nous pousse à céder aux achats impulsifs. La tentation et la simplification de l’achat en ligne induisent-ils des comportements compulsifs qui augmentent l’empreinte carbone des consommateurs par rapport aux comportements d'achats en boutique ?
Le processus de décision d’achat est défini comme : « une suite d’opérations mentales ou un cheminement psychologique poursuivi par le consommateur à partir de sa prise de conscience de l’existence d’un besoin non assouvi jusqu’à la résolution du problème par l’achat du bien ou d’un service en échange du règlement d’une certaine somme d’argent correspondant au coût du bien/service et l’évaluation de ces performances ». (Mémoire « Le e-commerce et le comportement du consommateur marocain. Cas des sites marchands).
Le commerce sur Internet a modifié ce processus d’achat. Il faut préciser que ce dernier varie selon les produits et les personnes. On peut tout de même décrire 3 types d’achats :
L’achat réfléchi ou raisonné qui induit un comportement rationnel.
L’achat routinier qui est prémédité avec un comportement presque automatique car le processus est connu.
L’achat impulsif pour lequel le comportement est spontané, non prémédité et la recherche d’information est nulle.
D’après le modèle d’Engel, Blackwell et Kollat développé en 1968, la décision d’achat suit un processus constitué de plusieurs étapes successives :
La reconnaissance du besoin.
La recherche d’informations.
L’évaluation d’offres concurrentes.
La prise de décision pour répondre au besoin.
L’évaluation post-achat de l’expérience vécue.
La première étape de prise de conscience d’un « manque à pallier » peut être provoquée par le marketing. Le besoin apparaît parfois avec un stimulus interne lié au besoin primaire (j'ai faim, je vais acheter à manger); cependant ce besoin est très souvent couplé à des stimulus externes tel que la publicité ou encore le marketing sensoriel. Internet permet de multiplier ces stimulus externes et de créer encore plus facilement des envies d’achats. Les réseaux sociaux et newsletters par exemple, font venir et revenir les clients sur les sites de vente en ligne et les incitent à consommer.
La seconde étape est celle de la recherche d’informations, Internet permet un accès à un nombre presque infini d’informations, très facilement accessibles. Les sites comparateurs, les influenceurs sur les réseaux sociaux et les forums avec avis et témoignages en ligne permettent un accès à l’information colossal. L'e-commerce bénéficie énormément de cet accès à l’information mais Internet a aussi bouleversé les comportements pour des achats en boutique. Même lors d’un achat en magasin, de nombreuses personnes se renseignent en ligne, c’est le web-to-store ou ROPO, Research Online, Purchase Offline.
Ensuite la prise de décision d’achat dépendra de la facilité à passer la commande en ligne lié au design et à la praticité du site, la phase de paiement en ligne et la phase de livraison du produit. Les risques liés au paiement en ligne sont encore un frein pour certains consommateurs (d'après les résultats de notre étude quantitative). Les sites travaillent pour simplifier l’achat et nous faire oublier nos réels besoins. Le fait de payer « virtuellement » et simplement nous fait aussi oublier notre capacité d’achat et nous pousse à consommer plus. Ces caractéristiques qui poussent à surconsommer sont dangereuses en termes d’impact environnemental mais aussi en termes de risque d’endettement.
Aussi, le fait de ne pas posséder immédiatement le produit acheté est une caractéristique qui différencie et désavantage l’e-commerce par rapport au commerce en boutique. C’est d’ailleurs pour cela que les e-vendeurs essaient de se différencier avec des délais et coûts de livraison toujours plus faibles.
Enfin, l’expérience et la satisfaction après l’achat est cruciale et définira si le client reviendra ou non sur le site même s’il faut préciser que les consommateurs en ligne sont nettement moins fidèles que vers des commerces physiques.
Avec une recrudescence des incitations d'achats liée à la multiplication des publicités, Internet pousse globalement à la consommation. En revanche, ce marketing massif n'est pas réservé aux commerces en ligne et concerne aussi les boutiques physiques. Là où le commerce en ligne provoque indéniablement une consommation excessive comparée au commerce traditionnel, c'est en facilitant le passage à l'acte d'achat en quelques clics avec des conditions d'achats toujours plus avantageuses. Nous l'évoquions aussi dans l'article "Le retour gratuit coûte cher à la planète" les possibilités d'acheter puis de tout renvoyer sans frais favorisent les achats en masse. Il est important d'avoir conscience de tous ces éléments pour acheter de manière raisonnée et éviter les pièges de notre société.
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