Les débats sur la transition écologique font couler beaucoup d'encre dans la presse. Même si la majorité des politiques s'accordent sur la nécessité de réduire les émissions de GES de la France, beaucoup d'opinions divergent quant à la manière d'opérer ces changements.
Les avancées technologiques vont-elles permettre d'inverser le dérèglement climatique ? Doit-on changer drastiquement nos modes de consommation pour un avenir plus soutenable ?
Nous allons étudier 4 scénarios, d'après une étude de l'ADEME, afin de répondre à ces questions.
Scénario 1 : Une génération frugale qui réduit fortement la pression sur la planète
Ce scénario est le plus radical car il prévoit un changement total de notre mode de vie actuel. Avec la recherche de sens, ce scénario établie une frugalité choisie de la part des citoyens.
Au niveau de l'alimentation cela induit une division par 3 de notre consommation de viande et un renversement de l'agriculture intensive au profit d'une surreprésentation du bio (70% de notre consommation).
Concernant les déplacements, toujours dans une logique de sobriété énergétique, les déplacements seront réduits d'1/3 et plus d'1 trajet sur 2 sera effectué en mobilité douce, en vélo ou à pied.
Pour ce qui est de l'industrie, celle-ci devra être toujours plus soutenable en réalisant une production au plus près des besoins réels pour éviter toute surproduction/inefficience. 70% de l'acier, papier-carton, verre, l'aluminium devra être issu du recyclage.
Scénario 2 : Des coopérations territoriales pour mieux maitriser
- Développement de l'économie du partage avec des logiques de coopérations au sein des territoires : une croissance qualitative est mise en place pour ré-industrialiser notre économie sur des secteurs stratégiques bien définis.
- Mise en place d'une fiscalité environnementale qui sanctionne les mauvais élèves pour redistribuer aux projets sur les énergies renouvelables.
- Plan massif d'investissement public dans les énergies vertes mais aussi dans les bâtiments pour rénover le parc de logement ancien en limitant la construction du parc neuf.
Au niveau démographique, c'est la réappropriation des villes de taille moyenne (entre 100 000 et 300 000 habitants).
Toutes ces mesures sont réalisables dans un contexte national mais implique une limitation de la mondialisation en régulant le commerce international. En effet, celui-ci n'est pas soutenable sur le long terme.
=> Selon la Banque de France, le commerce international représentait 1/4 des émissions de GES, en 2015.
Scénario 3 : Les technologies vertes pour atteindre la neutralité carbone
Dans ce scénario, les technologies sont plus développées que notre changement de comportement. La croissance verte s'appuiera largement sur notre capacité à développer des technologies et innovations qui vont compenser nos modes de vie même si ces derniers vont vers plus de sobriété. La mondialisation et la concurrence sera toujours d'actualité même si des efforts au niveau local pour mieux s'alimenter (30% de bio + baisse 1/3 de consommation de viande) et se loger (déconstruction - reconstruction avec 50% des logements en "Bâtiment Basse Consommation") verront le jour.
Néanmoins, la faible régularisation des acteurs par l'Etat et la faible fiscalité pour les entreprises les plus polluantes limitent les avantages de ce scénario.
Scénario 4 : La technologie va "combler" nos modes de vie consuméristes
L'idée dans ce scénario est que les technologies et l'innovation vont résoudre le problème climatique et nous permettre d'atteindre la neutralité carbone en continuant nos modes consuméristes à grande échelle.
Nous continuons de surconsommer avec une agriculture extensive et intensive. Avec une consommation quasi stable de viande (-10%) mais un essor des protéines végétales ou artificielles pour nourrir une population toujours plus importante. Pas de remise en cause du système de croissance carboné ni de la mondialisation couplée avec des investissements monstrueux dans les technologies du numérique (Data centers qui consomment 15x plus qu'en 2020).
Ce scénario vise à compenser nos émissions de GES et non pas à faire évoluer nos modes de vie. Deux techniques pour compenser notre empreinte carbone devront être largement adoptés :
Bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone (BECCS)
Cette technologie permet de capter le CO2 émis par de la biomasse et de la transférer en hydrocarbures, électricité ou papier. Le CO2 généré par la production de ressources grâce à la biomasse est transporté et stocké dans la roche et les formations souterraines géologiques.
Capture directe de l'air avec stockage du carbone (DAACS)
Ici l'objectif est de capter l'air ambiant chargé de CO2 pour le décarboniser en envoyant le CO2 dans les roches profondes sous terre, puis de renvoyer l'air restant, privé de CO2 dans l'atmosphère.
Ces deux technologies sont appelées des "puits de carbone" et visent à compenser les émissions de GES.
Quel bilan pour ces 4 scénarios ?
Tous ces scénarios visent la neutralité carbone en 2050.
Pour y parvenir, les 4 hypothèses sont envisageables mais avec de grosses différences :
Les émissions de CO2 nettes seront de -42 méga tonnes pour le scénario 1 alors que le scénario 4 atteindra 1 méga tonnes de CO2 malgré un recours massif aux puits de carbone technologiques.

Seuls deux scénarios permettront de limiter le recours à l'irrigation massif pour l'agriculture. Le scénario1, permettra une baisse de 45% d'utilisation d'eau comparé à l'année 2020 alors que le scénario 2 ; quant à lui, réduira de 18% les besoins en eau.
Les autres scénarios ne seront pas soutenables car ils mettront une pression encore plus forte sur les ressources d'eau douce : augmentation de 2/3 des besoins d'eau pour le scénario 4 ce qui créera des tensions voir une véritable "guerre de l'eau" en 2050.

Pour réaliser ces scénarios, une planification minutieuse de l'Etat est nécessaire, en accord avec les citoyens, acteurs économiques et les territoires. Un autre paramètre est à mettre en relief : chacun des scénarios prévoit une utilisation massive des énergies renouvelables dans le mix énergétique français. En effet, il est prévu que 70% de la production énergétique viennent du solaire, de l'éolien ou de l'hydraulique ce qui est largement discutable au vu de la place du nucléaire dans le mix actuel.
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